Internet n’aurait jamais dû exister : l’histoire explosive d’une invention improvisée

Internet n’aurait jamais dû exister l’histoire explosive d’une invention improvisée

Vous pensez connaître l’histoire d’Internet ? Ce que vous utilisez chaque jour sans y réfléchir est en réalité le fruit d’un bricolage génial, né dans l’urgence, sans réel plan global. Internet n’était pas destiné à devenir ce qu’il est aujourd’hui. Conçu pour quelques chercheurs frustrés par des ordinateurs incompatibles, il a été propulsé au rang d’infrastructure mondiale… presque par accident. Retour sur une création inattendue, façonnée par l’improvisation et l’absence totale de contrôle politique.

Une invention née d’une frustration… et d’un coup de crayon

En 1966, Robert W. Taylor, directeur à l’ARPA, ne rêvait pas de transformer le monde. Il voulait juste simplifier son travail. Las de jongler entre trois terminaux incompatibles, il imagine un système permettant aux ordinateurs de communiquer entre eux. Une idée simple, née de l’agacement, mais qui allait tout bouleverser. Loin d’un plan révolutionnaire, l’ambition était d’abord technique : connecter des chercheurs, optimiser l’usage des machines, gagner du temps.

Ce qui permit au projet d’émerger aussi rapidement, c’est l’absence de bureaucratie. À l’ARPA, quelques mots suffisent. Taylor expose son idée à son supérieur, qui approuve sans débat. Un million de dollars est alloué, et l’ingénieur Larry Roberts pose, sur une serviette en papier, les bases d’un nouveau type de communication.

Plutôt que de créer une ligne dédiée pour chaque échange, les données seraient découpées en paquets, envoyés séparément, puis réassemblés. Ce principe, révolutionnaire pour l’époque, posera les fondations d’un réseau résilient, capable de survivre même à une guerre nucléaire.

Des machines bricolées et une poignée d’ingénieurs visionnaires

La théorie était brillante, mais il fallait des machines pour la faire fonctionner. Le projet fut initialement rejeté par les géants de l’époque : IBM déclina, AT&T se moqua de l’idée. Ce sont donc des outsiders qui se lancent dans l’aventure : la société BB&N accepte de concevoir les premiers nœuds du réseau, les fameux IMPs. Ces ordinateurs, encore rudimentaires, seront le point de départ de l’ARPANET.

Rien ne se passe comme prévu. Le premier prototype est une épave. C’est un étudiant, Ben Barker, qui parvient à le remettre en état, au prix de journées de travail acharnées. En septembre 1969, une tentative de connexion entre UCLA et le Stanford Research Institute marque une première étape. Le mot « LOGIN » est envoyé, mais la machine plante au troisième caractère. Le bug est corrigé dès le lendemain. Ce jour-là, un système bancal venait de prouver qu’il pouvait fonctionner.

Une croissance désordonnée, un protocole pour tout changer

Très vite, le réseau s’étend. En quelques années, des dizaines d’universités s’y connectent. Mais ce développement rapide crée aussi des problèmes : chaque centre utilise son propre matériel, ses routines, ses protocoles. La communication devient un casse-tête. La réponse viendra des RFC, des documents techniques ouverts à la critique, rédigés par Stephen Crocker. Plutôt que d’imposer des règles, Internet allait évoluer par consensus, dans une logique participative.

C’est dans ce climat d’innovation désorganisée que Robert Kahn et Vint Cerf créent le protocole TCP/IP. Une invention brillante, capable de gérer le chaos. TCP assure que les données arrivent correctement, IP les guide jusqu’à destination.

Le 1er janvier 1983, ARPANET bascule sur cette nouvelle architecture. Internet, dans sa forme actuelle, voit le jour. Pourtant, aucune autorité centrale ne contrôle sa croissance. Ce réseau, né dans un coin de bureau, devient l’ossature d’une civilisation connectée, sans avoir jamais été pensé comme tel.

 

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